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23 septembre 2015

Article par Gilbert GRANDIS


Genegiselus, monétaire à Darantasia



1) Description d’un tremissis inédit pour l’atelier de Darantasia.




















Buste à droite portant un diadème perlé.


DARANTASIA FIT






La lecture de la  légende débute à 6 heures dans le sens horaire.




















Croix pattée sur 2 degrés.


+ GENEGISELUS MN






La lecture débute à 0 heure, dans le sens anti horaire, pour permettre cette lecture le texte est basé sur le grenetis extérieur de la monnaie


Poids = 1,18gramme

Diamètre = 13 mm

Or jaune.


Cette monnaie nommée Triens ou Tremissis correspond au tiers de Sou d’or.


2) La dynastie des Mérovingiens.


Les Mérovingiens sont une dynastie dont le nom provient du roi Mérovée, ancêtre de Clovis.

Cette dynastie est issue des peuples francs installés dans le nord- est de l’empire romain, la Gaule belgique. Subissant dès le 5ème siècle la pression des peuples de l’est, les francs pénètrent progressivement dans l’empire romain d’occident dont le déclin est amorcé.

Elle règnera jusqu’au milieu du 8ème siècle sur un vaste territoire composé de la France et de le Belgique actuelle, ainsi que sur une partie de l’Allemagne et de la Suisse actuelle.

Dirigée par des rois dont les noms sont repris souvent de pères en fils, qui règnent sur des territoires morcelés puis réunifiés ; la chronologie et les arbres généalogiques de cette dynastie sont extrêmement complexes.


Exp : Ont régné : 4 x Clovis, 4 x Childebert et 4 x Clotaire.


Trois principales provinces constitueront le royaume franc :

- L’Austrasie*

- La Neustrie

- La Bourgogne (ancienne Burgondie).

































*C’est de l’Austrasie qu’émergera le puissant maire du palais, Charles Martel, puis son fils Pépin le Bref se fera élire roi et donnera naissance à une nouvelle dynastie, les carolingiens, en 751.


L’administration du palais royal est confiée à des officiers palatins dont le plus important est le maire du palais.

Celui qui nous intéresse est le monétaire, chargé de la monnaie et des finances. Le plus célèbre est un orfèvre du nom de Saint Eloi.
























Vitrail de l’église de CHAPTELAT


De même que l’administration locale est déléguée dans les provinces aux comtes, il semble que les charges de monétaires aient été déléguées dans de très nombreux ateliers monétaires.

Le nombre de ces ateliers répertorié à ce jour est proche du millier. Plusieurs monétaires ont œuvré dans chaque atelier, cela nous donne une idée de la quantité de personnages ayant laissé leur nom sur des monnaies et de l’immense variété du monnayage mérovingien.


3) L’ère du Tremissis.


Les principales monnaies mérovingiennes émises sont en or, des sous mais surtout des tiers de sou.

Les monnaies d’argent, les deniers sont beaucoup moins nombreuses.

Les monnaies de bronze nous sont parvenues en petit nombre.

Le monnayage mérovingien s’inspire de celui des romains.

Depuis le règne de Constantin, le Solidus, frappé à 72 pièces à la livre, avait un poids théorique de 4,55 grammes. Le tiers de sou devait peser 1,52 gramme. Le sou était aussi l’équivalent de 24 siliques.


















En réalité, le sou mérovingien était plus une monnaie de compte, même si il circulait comme moyen de payement. C’est le tiers de sou qui devint la principale espèce en circulation.

La faible quantité de divisionnaires en argent ou en bronze qui ont été retrouvées, laisse supposer une utilisation tardive des monnaies romaines.

La frappe majoritaire de l’or peut s’expliquer par le manque de stabilité politique, économique et territoriale. La nature des flans va cependant varier dans le temps et évoluer progressivement vers un alliage avec de l’argent de plus en plus marqué. Ces tiers de sou d’or pale vont préfigurer le monnayage carolingien qui généralisera l’utilisation du denier d’argent comme principale monnaie en circulation.

D’un point de vue métrologique, le poids moyen constaté pour le tremissis est de 1,25 gramme, (usure et rognage compris).

Le cours sera parfois mentionné au revers par la valeur équivalente en siliques, VII au 6ème siècle, puis VIII siliques par la suite.






































"coll. du Musée des Beaux-Arts de Lyon (inv. MonMer 177) - Cliché Benoît MAHUET des Musées de Mâcon

illustration de "Mâcon et ses Monnaies" - ISBN 2-901400-42-6 - septembre 2010"

 

La gravure également est inspirée du monnayage romain.

Les premières émissions de tremissis au 5ème et début du 6ème siècle sont des imitations assez fidèles des monnaies romaines et se distinguent seulement par leur style plus « barbare » avec la présence éventuelle d’un monogramme. Inspirées des monnaies de JUSTIN et de JUSTINIEN, leurs légendes sont parfois illisibles tant elles sont altérées et leur attribution aux francs, burgondes ou même wisigoths est délicate.


A l’avers, c’est généralement un buste diadémé de profil qui est représenté, même si parfois, une tête de face imite le style plutôt byzantin.

Au revers, les premiers tremissis s’ornent d’une victoire ailée mais elle est remplacée principalement par le symbole de la chrétienté, la croix, qui est gravée, plus ou moins pâtée, posée sur des degrés ou un globe, parfois entourée de lettres ou de globules.


Pour ce qui concerne les légendes, le tremissis mérovingien est original. Il serait long et fastidieux d’énumérer les nombreuses variantes, c’est pourquoi nous nous limiterons aux principales typologies.

A l’avers, c’est le nom du lieu qui abrite l’atelier monétaire qui apparait, suivi très souvent par FIT (est fait) sous formes variées ou abrégées : F, FI, FITUR, etc.

Au revers, c’est le nom du monétaire, à partir de la moitié du 6ème siècle, plus rarement d’un roi qui est gravé. Ce nom peut être d’origine germanique ou latine.

Le nom du monétaire est suivi du qualificatif MONETARIUS (nominatif) ou MONETARIO (ablatif) souvent abrégé sous la forme : M, MN, MO, MU, MONI, MUNI, etc.

Le rôle exact de ces monétaires reste aujourd’hui encore obscur. Etaient –ils responsables d’atelier, artiste graveurs, comme ELOI, ou les deux selon la taille de l’atelier ?


Dans les champs du revers, de part et d’autre de la croix, apparaissent régulièrement 2 lettres (parfois 3 ou 4) qui indiquent, comme nous l’avons vu précédemment la valeur équivalente en silique, mais peuvent aussi indiquer l’atelier de frappe.

Exemples : CA pour CABILONNO, Chalons sur Saône, MA pour MASSILIA, Marseille.

Cependant, MA peut aussi être attribué à Mâcon, MATISCONE ou ST Jean de Maurienne, MAURIENNA.




4) L’atelier de Darantasia

 

Darantasia était le siège d’un évêché dont la fondation remonte au 5éme siècle.

La principale étude du monnayage mérovingien de Tarentaise a été publiée par Gustave Vallier en 1880, à Moutiers même. C’est un inventaire des trémissis connus à cette époque, provenant principalement de la collection du vicomte Ponton d’Amécourt, éminent numismate.

Deux monétaires sont répertoriés :

OPTATUS = 15 trémissis différents décrits

RINCHINUS = 3 trémissis différents décrits


Les monnaies d’Optatus sont les plus nombreuses mais il faut se garder de faire des statistiques sur un nombre aussi restreint d’exemplaires.

 Il est intéressant de noter que le nom du monétaire Optatus apparait aussi pour l’atelier de Maurienne, et également pour celui de Aoste, coté italien.






























2 trémissis d’Optatus pour l’atelier de Maurienna.


Si il est probable que le même Optatus ait œuvré pour les 3 ateliers alpins, on ne affirmer que le même monétaire soit à l’origine de tous ces trémissis car le nom se transmettait au sein d’une même famille et plusieurs Optatus ont pu se succéder.

La différence de style de gravure pour l’atelier de Darantasia tend  à confirmer cette hypothèse.

Optatus reste cependant le plus commun parmi les trémissis  de Darantasia et l’inventaire de la trouvaille du trésor de Buis, effectuée en 1873, décrit au moins 5 trémissis de Darantasia au nom d’Optatus.


Nota :

Pour ce qui concerne la mention de l’atelier et contrairement à la conviction de G. Vallier, nous trouvons plusieurs formes de représentation, généralement DARANTASIA mais aussi TARANTASIA, avec différentes abréviations.
















5)  Conclusion


Si nous tenons compte des difficultés de lecture des légendes dues aux variantes grammaticales latines et aux abréviations, à la multiplicité des  monétaires et des ateliers, au rognage fréquent des flans, à l’incertitude sur la datation des émissions, nous pouvons considérer la numismatique mérovingienne comme la plus difficile à apréhender.*

Elle constitue néanmoins un témoignage très intéressant de cette période de l’histoire très chahutée et apporte de nombreuses informations sur l’activité économique de nos régions.

Certaines cités ayant abrité un atelier monétaire sont aujourd’hui réduites à l’état de bourg modeste et ignorées de tous.

C’est le cas de Darantasia, située sur un des grands axes de communication avec l’Italie par le Col du Petit Saint Bernard. Darantasia était aussi un des principaux sièges épiscopaux de la région. La période mérovingienne est l’unique pendant laquelle un atelier monétaire a frappé monnaie.

Aujourd’hui Moûtiers, enclavée en fond de vallée a vu son développement figé et sa renommée plus que restreinte. Nous ne pouvons que le constater à travers la description faite par un numismate lors de la vente de notre trémissis. Moûtiers est écrit avec un H et se voit situé en Haute Savoie …..




















Le monnayage mérovingien est le seul pour lequel la numismatique répertorie autant de monnaies dont nous ne connaissons pas l’attribution.

C’est aussi le seul qui présente régulièrement des exemplaires inédits, qui demeurent rarissimes, voire uniques.



Références bibliographiques :


Numismatique mérovingienne de la Maurienne (Savoie)

Gustave Vallier – Imprimerie VULLIERMET

St Jean de Maurienne 1878

Numismatique mérovingienne de la Tarentaise (Savoie)

Gustave Vallier – Imprimerie CANE Sœurs

Moûtiers 1880

Liste des noms d’hommes gravés sur les monnaies de l’époque mérovingienne,

Anatole de Barthélémy

Lettre à M. d’Arbois de Jubainville.

In : Bibliothèque de l’école des chartes. 1881, tome 42.pp.283-305.

Liste des noms de lieu inscrits sur les monnaies mérovingiennes,

Anatole de Barthélémy

Lettre à M. d’Arbois de Jubainville.

In : Bibliothèque de l’école des chartes. 1865, tome 26.pp.443-464..

Les monnaies mérovingiennes de la trouvaille de Buis.

P. Le Gentilhomme

Société d’édition « Les belles lettres ». Paris  1938.

PROU II, les monnaies mérovingiennes, catalogue des monnaies françaises de la Bibliothèque Nationale.

PROU Maurice, CLAIRAND Armand et KIND Jean Yves.

Les chevau légers Paris 2003.



Remerciements :

Avec mes remerciements à CGB pour leur aimable autorisation de publier deux de leurs clichés.


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