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06 décembre 2016


Article de Gilbert GRANDIS


Un jeton de type lombard pour la Savoie




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I. Description


Jeton de bronze

Diamètre = 21 mm

Poids = 1,74  gramme.

 

Avers :

Ecu de Savoie aux contours barrés, appendu à un double crochet à 12 heures, par deux cordons asymétriques.

Anépigraphe mais 32 besants entre 2 rangées de grenetis barrés forment la bordure.

La croix de l’écu est large et striée


Revers :

Ecu à l’aigle bicéphale, aux ailes déployées formées chacune de 3 grandes plumes

Le contour de l’écu est comme les grenetis, barré.

Cet écu est également appendu à un double crochet à 12 heures, par deux cordons asymétriques.

Anépigraphe mais 32 besants entre 2 rangées de grenetis barrés forment la bordure.


Nota : La représentation des écus de l’avers et du revers appendus de la sorte, est très originale




II. Le style bien particulier de ce jeton aux armes de la Savoie.


Le style de ce jeton est résolument lombard, de par la bordure de besants qui les caractérisent.


Les Lombards, marchands puis banquiers :

Originaires de la Lombardie qui au moyen âge, désignait une grande partie de l’Italie septentrionale, les lombards développèrent une activité commerciale fructueuse avec le nord de la France. Ils étaient très présents dans les foires de Champagne notamment, véritables plate formes d’échanges entre les produits du Nord comme les tissus et la laine avec des produits méditerranéens comme les épices, les teintures etc. Forts de leur expérience commerciale et pour faire face aux besoins croissants de numéraire, véritable carburant du commerce, leur activité s’est orientée vers le prêt avec intérêt, favorisant le crédit puis l’usure. Ils rejoignent alors l’autre grande famille de banquiers, les juifs. Ils s’associent même parfois avec eux, afin de contourner l’interdit religieux. En effet, le Christianisme, comme le Judaïsme, condamne l’usure mais la tolèrent envers les pratiquants d’une autre confession. Une autre astuce, contractuelle, leur permet d’établir des prêts qui prévoient des pénalités exorbitantes en cas de retard de remboursement, se substituant aux intérêts afin de ne pas les nommer …  et conserver ainsi la bienveillance de l’Eglise.

Le jeton, instrument de comptage, est aussi utile aux banquiers qu’aux changeurs et commerçants, il est donc naturel que les lombards en aient produit pour leur propre usage.



Quelques exemples de jetons dits « Lombards »


Jeton de la famille des Franzesi


Noter que le nombre de besants n’est pas forcément le même à l’avers et au revers, qu’il peut-être différent pour les jetons d’une même famille.


La gravure de notre jeton est particulièrement soignée, l’écu à l’aigle notamment est d’une grande finesse en comparaison des gravures simples, voire fruste des exemples ci-dessus.


Certains jetons de compte s’inspirent des monnaies contemporaines en circulation.

L’aigle bicéphale apparait avec un style très semblable sur les gros du Piémont frappés sous Amédée V dit « le Grand » en 1297 par un dénommé Careire dans l’atelier de Suse.

Un très rare gros de même type que le précédent a aussi été frappé à Turin au nom de Philippe de Savoie, seigneur du Piémont de 1295 à 1301, qui sera prince d’Achaie, de 1331 à 1334.



Le graveur œuvrant sous le règne de Amédée V s’est certainement inspiré du « sterling » frappé pour le comte de Flandres Guy de Dampierre à Alost entre 1290 et 1292.


L’inspiration flamande est toute naturelle, Amédée V étant fils de Thomas II du Piémont, qui était lui-même comte de Flandre par mariage avec Jeanne de Constantinople, de 1237 à 1244.


Amédée V fera aussi partie en Aout 1304 des seigneurs alliés au roi de France, Philippe IV le Bel vainqueurs à Mons en Pévèle des troupes flamandes.


III. Essai de datation de ce jeton.


Il n’y a pas d’ordonnance de frappe pour les jetons, comme pour les émissions monétaires, donc peu de probabilité de retrouver des « écrits ».



Eléments de datation :

a) Avers 

La forme de l’écu.de par la largeur de la croix est assez déroutante et correspond plus à celle gravée sur les monnaies de Savoie du XVIème siècle, sous le règne du Duc Charles II.

Les stries de la croix ne correspondent pas non plus aux règles héraldiques en représentation monochrome. La croix d’argent devrait être représentée lisse mais ces règles sont peut être postérieures à la frappe de notre jeton car l’on retrouve ces stries sur les blasons de certains sceaux des comtes de Savoie,. Amédée V, Aimon et Edouard


b)   Revers :

Comme nous l’avons vu précédemment, c’est grâce au style de l’aigle bicéphale que nous pouvons dater ce jeton.

Correspondant à l’émission des gros de Amédée V de Savoie et de Philippe de Savoie, seigneur du Piémont, il a certainement été frappé pendant la dernière décennie du treizième siècle.


Une seule monnaie comtale représente un écu de Savoie (au revers) et un aigle bicéphale sur son avers, c’est le Fort de Amédée VI.

Le style de l’aigle, sur les deux exemplaires ci-dessous est très différent de celui du jeton.

Il est évident que ce fort ne peut pas être le modèle ou prototype du jeton de type lombard.



IV. Conclusion


Ce jeton est le plus ancien répertorié pour la Savoie. Sa gravure très fine, la représentation très originale des écus appendus, les bordures de besants de style lombard, à l’avers et au revers en font un exemplaire d’un grand intérêt numismatique



Notas :

Ce jeton est décrit à la page 5 et représenté sous le N°1 de  la  Planche 1, de l’ouvrage de V. Promis .

Un autre exemplaire de style lombard est décrit à la page 5 et représenté sous le N°3 de la Planche 1, de l’ouvrage de V. Promis. Un écu de Savoie est gravé à l’avers, comme au revers de ce jeton.


Bibliographie :


TESSERE di Principi di casa Savoia

De Vicenzo PROMIS

Torino

1879 



 Remerciements :


A CGB pour leur accord sur leur crédit photographique


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