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06/04/2023

Article par Gilbert GRANDIS

Une obole inédite pour Amédée VIII

1. Description.


Cette monnaie a été frappée sur un flan irrégulier constitué d’un alliage pauvre (billon), qui a été saucé lors de sa fabrication (il subsiste des plaques d’argenture superficielles). L’ensemble des légendes et des symboles monétaires sont lisibles.

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Écu de Savoie dans un quadrilobe.


Les grènetis sont barrés.

Croix plane coupant la légende.


Les grènetis sont barrés.

Flan de billon bas titre saucé.

Poids = 0,64 gramme.

Diamètre = 14,5 mm Croix plane coupant la légende.



2. Typologie monétaire.


La gravure d’avers correspond au viennois: réf. N°146 du G. Rovera,  (nommé «blanchet» par de nombreux numismates).

Le quadrilobe est simple et non double. Ces viennois ont été frappés pendant la deuxième période de la régence, entre 1394 et 1399. Le comte Amédée VIII étant trop jeune pour régner, était sous tutelle.

 

La gravure du revers correspond au viennois : réf. N°141 du G. Rovera frappé pendant la première période de la régence (1391-1394), assurée par la grand-mère de Amédée VIII, Bonne de Bourbon.

Le diamètre très réduit et le poids faible de cette monnaie ne correspond pas au viennois mais à sa divisionnaire, l’obole viennoise ou obole de viennois

3.  Monétaire, atelier émetteur.


L’émission de cette monnaie ne laisse que peu de doute. Les 2 étoiles à cinq branches superposées sont la signature des Borgo, une entreprise familiale florentine. Bonaccorso Borgo, était maître de la monnaie sous Amédée VI puis ses fils Giovanni et surtout Matteo lui succédèrent sous Amédée VII et Amédée VIII pour la période comtale. Ce symbole a été réservé  exclusivement aux émissions des monétaires de la famille Borgo dans l’atelier de Pont d’Ain.


Nota: Un dénommé Umberto Borgo, fils de Matteo, maître des monnaies de l’atelier de Nyon fut condamné à mort en 1405, à la suite d’un contrôle des autorités comtales qui constatèrent une fraude régulière et répétée de 25% sur la valeur de ses émissions. Cette condamnation faisait suite à une série de malversations des Borgo dont l’une punie d’une amende de 1000 florins, infligée à Bonaccorso pour contrefaçon.  

Elle mit fin à l’activité de cette célèbre dynastie de monétaires de la Savoie médiévale.




Bonaccorso devait être précieux pour la maison de Savoie, il s’en est tiré avec une amende importante alors que la peine encourue par les faux monnayeurs était parfois très sévère, cruelle même comme le montre l’illustration ci dessous.

4. Attribution.


Aucune monnaie non retrouvée jusqu’alors, se rapportant à une ordonnance de frappe qui pourrait concerner cette monnaie inédite, n’est mentionnée dans les ouvrages cités dans la bibliographie ci-dessous.  

Pour la période concernée, le nom du comte (Amédée VI, VII et VIII) étant identique pour les trois souverains,il nous faudra examiner chaque détail pour déterminer quel Amédée a pu faire émettre cette monnaie et à quelle période.

Les deux chapitres précédents nous apportent de précieux indices.


4.1 L’avers:


 • Le quadrilobe apparaît sous Amédée VI mais à l’avers, c’est toujours le A majuscule pour Amédée qui occupe le champ et non pas l’écu. Il n’y a pas de quadrilobe sur les monnaies de Amédée VII. C’est sous la régence d’Amédée VIII qu’apparaît l’écu dans un quadrilobe, sur les viennois.

 • La légende est abrégée sur le titre, CO au lieu COMES et AMEDEVS est gravé au complet.

Toutes les monnaies de Amédée VI, y compris les petits modules, laissent apparaître COMES au complet. ( excepté un unique exemplaire d’un Florin conservé à la Bibliothèque nationale de Paris qui  est abrégé comme suit:COM). Il en est de même pour les monnaies de Amédée VII.

L’abréviation du titre comtal CO, apparaît sur les monnaies de la régence de Amédée VIII avec le gros, puis régulièrement y compris pour la période comtale.


 4.2 Le revers:

 • La croix simple, non cantonnée de besants, croisettes ou autres symboles, coupant la légende SABAVDIE au revers, apparaît pour la première fois sur le viennois émis sous la régence de Bonne de Bourbon (1391-1394).


Ces éléments sont en faveur d’une attribution à une émission d’Amédée VIII lors de la régence.

Matteo Borgo était maître de la monnaie de l’atelier de Pont d’Ain à partir de 1394.


5. Conclusions.


Cette très intéressante monnaie est donc une obole viennoise frappée à Pont d’Ain par Mattéo Borgo entre 1394 et 1397, sous la régence de Amédée VIII.

Les traces de plaquage d’argent ( la monnaie ayant été saucée) pourrait très bien illustrer la mauvaise réputation de la famille Borgo, monétaires de pères en fils, soumis à la tentation d’un profit frauduleux et tombés en déchéance malgré une tradition familiale et un savoir faire remarquables.

Bibliographie :

SIMONETTI L. (1967) Monete Italiane Medievali e Moderne, Vol. 1 Casa Savoia.

BIAGGI E. (1993) Otto secoli di storia delle Monete Sabaude, Vol. 1.

CUDAZZO S. (2005) Monete Italiane Regionali Casa Savoia. Ed. Numismatica VARESI

ROVERA G. ( 2019) Monete e Zecche dei conti sabaudi. L’artistica Editrice

CUDAZZO S. (2020) Une nuova Luce Sulla MONETAZIONE Sabauda Ed. Numismatica VARESI

Les faux-monnayeurs étaient souvent condamnés au supplice de l’ébouillantage ….